La culture de l'intime

Regardons la vie au-dedans, et la vie, semble-t-il, est très loin d’être « comme ça », proteste Virginia Woolf en 1919 dans son article « novels » : les douze études de ce volume, à partir d’un corpus représentatif de la littérature des années 20 — Mrs Dalloway de V. Woolf, Amants, heureux amants... de V. Larbaud et Mademoiselle Else de A. Schnitzler — tentent de cerner cette « culture de l’intime » qui remet définitivement en question les conventions du roman réaliste ; elle amène l’invention de nouvelles formes dont le monologue intérieur est la plus marquante, mais en recentrant le récit sur la subjectivité de la perception et de la représentation du monde, elle dévoile corollairement la crise d’un moi sans unité, « privé de noyau » selon l’expression de Schnitzler — « un être fait de néant, si c’est possible » dit encore Larbaud. Culte du moi, volonté de traduire et déchiffrer l’intime qui se heurte en même temps à une zone qui résiste au langage et à la communication et à propos de laquelle on peut parfois parler d’une mystique de l’intime, raisons et manières de « composer » l’intime... : on a cherché ici à remettre en perspective ces fictions de l’intime par rapport à des modèles antérieurs importants comme Stendhal, Benjamin Constant, Dostoïevski, Proust, le théâtre d’Ibsen et de Strindberg, l’anti-roman fin de siècle, Barrès, pour mieux cerner la spécificité des années 20.